Le 24 octobre 2007, par Jeff,
En France, le système de « grades » comporte deux niveaux [1] : Maître de Conférences, MCf pour aller vite (en théorie, immédiatement après la thèse) et Professeur (typiquement à partir de 10 ou 15 ans de carrière, pour ceux qui obtiennent un poste de Professeur). Chaque niveau est (ou était) divisé en deux : Professeur de seconde ou de première classe ; il existait jusqu’à il y a quelques années des MCf de seconde et de première classe. Le système se complique du fait qu’il existe dans les deux cas des « classes exceptionnelles » ; pour schématiser, les MCf C.E. sont des gens qui ne passeront sans doute jamais professeur mais à qui on accorde quand même une promotion en reconnaissance de leurs qualités ; les Pr CE sont des professeurs au niveau reconnu, souvent vers la fin de leur carrière. Dans les organismes de recherche, on retrouve la même division en 2x2 niveaux : Chargés de recherche de seconde et première classe (CR2, CR1) ; Directeurs de recherche de seconde et première classe (DR2, DR1).
Les deux niveaux correspondent à des étapes de carrière différentes : chercheur autonome pour les MCf/CR ; responsable d’une équipe, d’un groupe de recherche pour les Pr/DR. Autrement dit, le niveau « senior » (Pr/DR) correspond à plus de responsabilités et à des fonctions d’encadrement.
La promotion à l’intérieur d’un grade se fait à l’ancienneté et au mérite (sur dossier). Pour passer d’un grade à l’autre, il faut le plus souvent postuler sur un poste de Pr (ou DR), les promotions « in-situ » sont rares.
Les pays du Commonwealth (hors Canada) suivent une logique similaire. Nous avons un système à deux fois deux grades, qui sont « lecturer » et « senior lecturer » au niveau junior ; « associate professor » et « professor » au niveau senior. Un peu comme en France, le niveau « lecturer » correspond à un poste que l’on peut théoriquement obtenir juste après une thèse (voire un master, il y a, surtout en lettres, des cas de lecturers qui préparent leur PhD) ; comme en France, en pratique il n’est pas rare de faire un post-doc avant d’obtenir un poste de lecturer. En revanche, le fait d’avoir deux niveaux clairement définis (lecturer et senior lecturer) fait que des gens qui ont une expérience post-doctorale longue peuvent être embauchés directement au niveau « senior lecturer ».
Dans la mesure où les conditions d’emploi sont, pour l’essentiel, négociées entre l’université et le chercheur, le passage d’un niveau à un autre peut parfaitement se faire sur place (en négociant – un élément de négociation fréquent est d’obtenir une offre d’emploi ailleurs, et de s’en servir pour menacer de partir si on n’obtient pas la promotion souhaitée !). Tout le monde ne finit pas « full professor » ; on peut rester « senior lecturer » ou « associate prof » jusqu’à la fin de sa carrière. Passer « full professor » est une consécration.
Les Anglais, qui ne font rien comme tout le monde, appellent leurs niveaux juniors « lecturer A » et « lecturer B » ; et leurs niveaux seniors « reader » et « professor ». Pour tout compliquer (je vous ai bien dit que c’était les Anglais), « senior lecturer » est parfois utilisé à la place de « reader ». Un « senior lecturer » anglais est donc équivalent d’un « associate professor » dans l’hémisphère Sud. Pour compliquer encore plus, certaines universités Anglaises ont adopté le système de grades Etats-unien (voir plus bas).
L’analogie n’est pas parfaite : entre « reader » et « professor », il y a un saut relativement important. Là encore, passer « professor » est une consécration.
En Amérique du Nord (USA, Canada), le système est un peu différent. La logique d’équipe de recherche existe moins que dans le Commonwealth (ou que en France, à plus forte raison !) ; il n’existe donc pas ou peu de postes académiques « juniors ». Tous les « staff members » monde sont « professor ». L’unité de base est le groupe de recherche, qui est construit autour d’un membre du staff, et ses post-docs et étudiants, l’ensemble financés principalement par des « grants » obtenues par le professeur.
Les « professors » sont déclinés en trois niveaux : « Assistant Professor » (equiv. Senior Lecturer / MC1/Reader), « Associate Professor » et « (full) Professor ». Il n’existe rien, ou pas grand-chose, au niveau lecturer/MC2 : la logique du système veut que, à ce niveau de carrière, on soit post-doc dans un groupe de recherche dirigé par un professeur. Du coup, les post-docs bénéficient à peu près du même degré d’autonomie que les lecturers ou MC2 outre-Atlantique, et on est professor plus jeune, avec les responsabilités (administratives et d’encadrement) qui vont avec.
Il existe quelques emplois de « lecturer », souvent sur contrats à durée déterminée (un à trois ans) : ce sont des postes à forte dominante enseignement, et une composante de recherche faible ou nulle.
Les promotions se font facilement sur place, au mérite (examen d’un dossier par l’Université). Lors du recrutement, le niveau initial est en principe déterminé par négociation, en se référant à une convention collective (propre à l’université). Mais les gens changent aussi très facilement d’université en cours de carrière.
Rémunérations. L’Association of Commonwealth Universities publie annuellement une étude comparative sur les salaires des universitaires de différents pays. Je trouve intéressant de compiler ces informations dans le tableau ci-dessous :
Lecturer | Senior Lecturer | Ass Prof | Prof | |
USA /12 mois | n/a | 74488 | 87326 | 127437 |
USA / 9 mois | n/a | 60944 | 71448 | 104267 |
Australia | 64267 | 78654 | 94613 | 121362 |
New Zealand | 55693 | 71111 | 92335 | 105426 |
UK | 30104 | 39023 | 52425 | 65334 |
Canada | (43973) | 53278 | 65593 | 82033 |
South Africa | 34474 | 41649 | 49528 | 56928 |
France | 44120 | 60133 | 63449 | 78894 |
Les chiffres sont exprimés en US$, pour le montant global du package (c’est-à-dire en comptant les éventuelles contributions de l’employeur à des caisses de retraite, des assurances santé, etc), vers le milieu du grade concerné (sauf pour les full professors, qui sont en général sur une échelle ouverte) et corrigées du coût de la vie (« Purchasing Power Parity » / « Big Mac Index », comme expliqué dans l’étude de l’ACU) : ainsi le montant réel des salaires britanniques est il 1.2 fois plus élevée (mais le coût de la vie aussi). De cette façon, il est possible de faire des comparaisons un peu plus significatives.
Ce sont les chiffres 2005/06, ceux de 2006/07 ne sont pas si différents ; Royaume-Uni et Afrique du Sud essayent en ce moment de remonter les salaires académiques, les valeurs actuelles sont plus élevées. Les chiffres sont des moyennes pour la plupart des pays (puisque le plus souvent, les salaires sont négociés université par université, voire individu par individu).
Les chiffres français vous surprendront peut-être (44 000 $ pour un MC2, le vrai salaire est plus près de 24 000 € / $ 32 000) : il ne faut pas oublier que les employeurs français, en plus du salaire dit « brut », payent des « charges salariales » (retraite en particulier !) qui représentent dans les 40% du salaire. Le même protocole a été suivi pour les autres pays (mais avec des différences moins spectaculaires, il y a moins de charges salariales obligatoires – les gens cotisant volontairement à des caisses de retraite). Les Australiens, bien que très bien payés pour un niveau donné, progressent relativement lentement ; on reste « Senior Lecturer » bien plus tard en Australie que dans d’autres pays. Les chiffres sud-Africains sont très bas : on voit ici la limite de cette approche, qui ne prend pas en compte le fait que la société, le mode de vie et la structure des prix en Afrique du sud ne sont pas vraiment comparables à d’autres pays occidentaux. Enfin, les académiques Etats-uniens sont en général payés 9 mois par leur université, et trouvent des ressources complémentaires (projets de recherche en général !) pour les trois mois restants : la ligne du haut suppose qu’ils aient trouvé un revenu équivalent.
Si vous voulez vous faire une idée de ce que ça veut dire en équivalent Français : retirez 40% (charges patronales), ajoutez une vingtaine de % (coût de la vie) et convertissez en euros (x 0.75). Autrement dit, divisez les nombres donnés par 2 et vous aurez une assez bonne estimation de ce que serait un salaire annuel Français équivalent (en euros).
[1] Du moins en sciences, en Médecine les choses sont plus complexes