Le 28 août 2006, par Jeff,
Texte écrit pour fsg, Septembre 2004
> Parceque en fait, ce qui est > important dans cette histoire, c’est le pas de temps auquel on perçoit > l’objet, et donc son comportement. A l’échelle de la seconde, la mer de > glace est un solide ; à l’échelle de l’année, c’est un liquide. Idem > pour le manteau. C’est bien ça ?
Vi, c’est une façon de dire les choses.
En fait on peut raffiner/compliquer un petit poil :
Evidemment, la confusion vient du fait que dans la vie de tout les jours, la plupart des "solides" (thermodynamiques) sont aussi des corps cassants (aux échelle de temps.. etc) (mécaniques) ; et la plupart des liquides thermo sont aussi des corps ductiles (méca) aux échelles... etc. Mais si on change les échelles de temps ou si on regarde des corps exotiques, ce n’est plus forcément le cas. Il peut y avoir des liquides sans arrangement atomiques définis et fixes, mais néanmoins au comportement cassant (des verres, par exemple).
(Ecrite pour un forum de Planet-Terre)
Une partie du problème à mon avis vient du fait que la notion de "solide" ou "liquide" est un peu ambigüe et recouvre,en fait, deux concepts. Bon, les physiciens des matériaux vont me haïr, mais essayons de simplifier :
1) Au point de vue thermodynamique, la notion de solide vs. liquide correspond à des états thermodynamiques. En (très) gros, un solide a un arrangement fixé, plus ou moins régulier, de ses atomes. Pour passer d’un état à un autre, il faut fournir (ou dissiper) de l’énergie.
2) Au point de vue de la physique des roches, la notion de solide ou liquide n’existe pas. Ce qui importe est de savoir si une roche se déforme de façon "cassante" ou "ductile". TOUs les matériaux peuvent se déformer selon l’un ou l’autre mode — la déformation cassante sera favorisée à basse température OU/ET pour des vitesses de déformation rapide ; la déformation ductile sera préférée pour des températures élevées et des déformations plus lente.
Dans le cas de la déformation ductile, on utilise un paramètre —la viscosité— pour quantifier la facilité avec laquelle un corps se déforme : un corps à faible viscosité se déformera facilement, un corps à forte difficulté sera plus difficile à déformer. TOUS les corps ont une viscosité, qui ne "s’applique" que dans les conditions ductiles.
Du point de vue "de la vie de tout les jours", cependant, la différence est plus tranchée. Aux échelles de temps observables, les corps sont soit ductiles, soit cassants, et il est très rare de voir des corps dont les propriétés permettent de voir les deux comportements. Parmi les rares exemples, il y a des choses comme la pâte à modeler (ou la silicone des labos de modélisation), qui se casse si on la déforme vite et se déforme ductilement si on appuie doucement. C’est très facile à montrer en classe (tirez brutalement sur un boudin de pâte, il se casse ; écrasez-le doucement, il se déforme ductilement). Evidemment, dans la vie de tout les jours la majorité des corps solides se compote de façon cassante aux échelles de temps observables ; la majorité des corps liquides se comporte de façon ductile aux échelles .. etc. Notez que ceci n’a pourtant rien d’obligatoire (il n’y a pas ou peu de rapport entre le fait d’être solide, et le fait d’avoir un comportement cassant — pensez à la pâte à modeler, une fois de plus).
Mais à l’échelle géologique, on considère des durées telles que les deux comportements peuvent être observés — pour un même corps. De la glace se déforme de façon cassante pour des courtes échelles de temps (tapez à coup de marteau sur un glaçon, il se casse !) ; de façon ductile sur 100-1000 ans (cf. les glaciers). Les roches de la croûte ou du manteau se déforment de façon cassante à l’échelle de la seconde (faille, séisme, coup de marteau...), de façon ductile à 10 000 - 10 000 000 ans. Tout ceci ne les empêche pas d’être (thermodynamiquement, puisque c’est le seul contexte pour lequel ce mot ait un sens !) des solides : pour les faire fondre, il faut leur apporter de l’énergie.
Une autre analogie : la cire de bougie. Selon la température et la vitesse de déformation, vous pouvez voir ses deux modes de déformation (cassante ou plastique). Pourtant il s’agit bien d’un solide, dans les deux cas. Pour vous en convaincre, apportez-lui de l’énergie (= chauffez !) : elle fond et devient un liquide (au point de vue thermodynamique).
L’essentiel du problème est donc sémantique : il vient d’une confusion, dans le langage de tout les jours (et de tout le monde !), entre "solide" et "cassant" — deux notions qui en fait appartiennent à deux mondes différents.