Prosélytisme

Le 25 août 2009, par Jeff,

On trouve sur le net pléthore d’articles plus ou moins prosélytes, visant à démontrer les avantages du pingouin sur la fenêtre. J’en ai récemment lu un assez bon ici , mais on peut aussi en trouver partout ailleurs, chez Framasoft par exemple.

La plupart de ces articles qui se présentent comme un « comparatif » entre les deux systèmes, développent à peu près les mêmes arguments, et du coup me laissent tous le même sentiment d’insatisfaction.

D’abord, on commence par présenter les points forts de Linux : stabilité, configurabilité, sécurité, éventuellement ergonomie. Pas de problème sur ce chapitre, c’est en général clair et bien documenté.

On passe ensuite aux défauts de Windows. Bon, c’est pas difficile de les trouver, toute personne qui a utilisé un ordinateur pendant quelques années les connait plus ou moins : problèmes de stabilité, dégradation progressive du système au cours du temps, système très fermé, sécurité compromise, etc. Là encore, rien à dire.

C’est en général vers le chapitre suivant que ça se gâte. C’est là qu’on nous dit, en principe, que « En plus Windows est bien trop cher, et puis ça donne plein de sous au vilain Microsoft/Bill Gates, alors que Linux est gratuit et offert par les Gentils Informaticiens Barbus ». Oui mais non, I beg to differ. D’abord, la notion de « juste prix » est assez subjective ; le juste prix, c’est celui que je suis, moi, prêt à payer. Si je trouve que 75 ou 100 ou je ne sais combien d’euros est un prix qui me convient, c’est le bon prix – en ce qui me concerne— et ce n’est quand même pas un pingouin qui va me dire ce qui est bon pour moi, scrogneugneu. Quant à donner des sous au vilain Billou… Eh ! Que m’importe, à moi, si il s’enrichit ? Tant mieux pour lui, moi ce qui m’intéresse c’est ce qui se passe dans mon ordinateur. Quant à la gratuité de Linux… Oui, il ne me coûtera pas un euro (ou alors les trois clopinettes d’un magazine avec DVD). Mais combien me coûtera-t-il de temps ? Ne serait-ce que pour l’installation…

Oui je sais, on va me hurler dessus : « mais, Windows va te faire perdre encore plus de temps en réinstallation après plantage ». Hmm, enfin, depuis 10 ans pour moi le temps passé à ça est proche de pas grand-chose, quand même. Je ne crois pas avoir fait de réinstallation complète, sauf sur une nouvelle machine (par contre à la lointaine époque où j’essayais de configurer une Mandrake à la maison, j’ai passé des journées à ne pas arriver à la faire marcher…).

Mais tout ça nous amène aux inconvénients du Pingouin, puisqu’il est sensé s’agir d’un comparatif. Je viens d’évoquer les problèmes de configuration. La plupart des articles de « comparaison » en parlent aussi ; en général pour expliquer que « en fait c’est pas si difficile, il suffit de faire , et puis si tu as un problème la communauté t’aidera, et puis (l’argument massue) si tu essaie de configurer Windows c’est aussi très dur dès que tu sors des sentiers battus ». Ben oui mais moi je suis un utilisateur bête. Je ne sors pas des sentiers battus. Mon portable actuel, quand je l’ai reçu je l’ai ouvert et j’ai commencé à travailler avec (Win XP), j’ai eu 0 installation et 0 configuration.

Ensuite, il y a la question du support matériel. Là, on nous dit en général, un peu gêné aux entournures, que « oui en effet Linux a du mal avec le matériel récent, surtout les portables, et c’est la faute au vilains constructeurs vendus au Grand Méchant Windows, mais regardez comme il est génial sur une machine un peu ancienne ! ». D’accord, d’accord, mais je fais quoi du portable neuf que je viens d’acheter, justement pour avoir une machine performante parce que je passe mes journées dessus ? Je le range sur une étagère en attendant qu’il mûrisse ? Et je me moque bien de qui c’est la faute. Ce qui m’intéresse, c’est de pouvoir utiliser ma machine.

Enfin, les logiciels. « Mais tu trouveras sous Linux tout ce que tu veux, regarde il y a 42000 packages disponibles ». M’est égal, moi. J’en veux pas 42 000, j’en veux une douzaine ou deux, que j’utilise tout les jours. Et je veux les miens à moi que je sais utiliser. « Ah, tout existe sous linux, mais il faudra peut être que tu changes tes habitudes et que tu apprennes de nouveaux logiciels, mais tu verra, ils sont aussi bien, juste différents ». C’est bien le souci. Changer mes habitudes, c’est un gros investissement en temps. Il m’a fallu par exemple 10 ans pour apprendre (à peu près) Illustrator ; je ne tiens pas à en passer 10 autres à apprendre Inkscape. Quant à être aussi bien… C’est sans doute pour ça que ce sont tous des versions 0.5 : pour nous montrer que ce sont des choses abouties et utilisables (oui je sais, il y a des 0.5 de certains logiciels qui valent bien les 9.2 d’autres. Mais quand même…). Les quelques « équivalents » que j’ai utilisé (voir article séparé) ne me convainquent pas tout à fait. « Oui mais regarde, pour d’autres trucs les équivalents Linux sont tellement meilleurs : tu as des Synaptic et des Firefox et des … ». Le problème n’est pas de savoir si dans l’absolu il y a plus de bons logiciels que de moins bons, encore une fois. C’est de savoir si les logiciels dont moi j’ai besoin au jour le jour sont meilleurs d’un coté ou de l’autre. Pour le moment, en particulier sur quelques logiciels critiques, c’est loin d’être gagné. « Eh bien, tu peux toujours les faire tourner dans Wine / dans une VirtualBox ». Peut être. Il « suffit » de les configurer (sur ma machine windows, ils marchent right out of the box). Reste à voir si ils sont aussi rapides que en natif, si ils interagissent avec le reste du système (copier-coller…), etc.

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Commentaires de l'article

 
Rémi
Le 19 septembre 2009

C’est un peu la réaction prévisible d’une communauté où les auteurs de ces articles de "pub" ne sont pas les auteurs des logiciels. De même qu’un militant politique justifiera l’action de son parti mais ne répondra pas aux vraies questions que tu pourrais te poser sur les décisions de ses dirigeants...

Pour en venir à ce dont tu parles, je crois qu’il existe une fallacie (euh...) essentielle, qui est de faire croire que tu peux changer d’OS (ou plus spécifiquement entre Windows et Linux — j’avoue que je ne sais pas trop pour MacOS ou autre, mais je soupçonne que ce ne soit pas si différent) comme tu changes de voiture, cad en s’habituant simplement à ce que le levier de vitesse soit un peu plus loin ou qu’il y ait un bouton de plus, mais c’est tout. Passer à Linux, à mon sens, c’est plus passer d’une voiture à une moto : au final, tu iras d’un point à un autre, mais tu peux oublier comment se servir d’un volant, des pédales, etc. et apprendre un guidon, des manettes... Et tu iras peut-être plus vite, mais avec moins de coffre (ou alors tu mets un side-car pour y mettre tes enfants, mais il faut le fixer, et il faut que tout le monde ait un casque...). Bref, ça marche, mais d’une manière complètement différente.

Oui, en passant sous Linux tu vas passer du temps à (re-)apprendre des choses de base. Oui, tu ne pourras plus faire ce que tu pouvais faire avant, tant que tu n’auras pas trouvé d’autres logiciels, d’autres cheminements (certains deviendront plus rapides ou efficaces, mais il faudra que tu les trouves), voire même jamais. Tu pourras faire des nouvelles choses que tu n’aurais jamais pu faire sous Windows, mais est-ce que ce sont des choses qui t’intéressent (si tu t’en es passé jusque là, en particulier...) ?

Le problème de cette erreur fondamentale que beaucoup de gens propagent, c’est qu’elle fait croire que Linux est bon pour tout le monde. Non, il est sans doute très bien pour des gens qui veulent faire des choses pointues mais qui sont prêts à mettre les mains dans le cambouis (moi, par exemple), mais pas pour des gens qui veulent juste cliquer sur un bouton et que leur truc soit fait, et tant pis si c’est pas "le mieux" dans l’absolu (typiquement, les parents d’au moins l’un d’entre nous ;-)).

Dans ton premier article, tu réfléchis un peu à tes motivations pour passer sous Linux : c’est bien, et franchement je ne serais pas étonné si au final tu concluais que, pour tes besoins, il n’est pas adapté. Ça n’est pas une balle en argent (hem...), ça n’est pas forcément ce dont tout le monde à besoin.

Mais je crois que mon opinion sur la question, bien que partagée par d’autres, est globalement à contre-courant de la comm’ linuxienne actuelle, ça ne m’étonne donc pas trop que ce ne soit pas ce que disent les articles de vulgarisation.

 
Jeff
Le 19 septembre 2009

" Dans ton premier article, tu réfléchis un peu à tes motivations pour passer sous Linux : c’est bien, et franchement je ne serais pas étonné si au final tu concluais que, pour tes besoins, il n’est pas adapté "

C’est effectivement ce que je suis en train de me demander. En même temps, bon, j’ai envie de m’accrocher un peu, parce que une semaine c’est court comme période de test... Mais en une semaine, j’ai perdu pas mal de temps, et le temps, c’est justement une denrée rare et précieuse pour moi !

 
Jeff
Le 19 septembre 2009
.. et comme tu le dis, à la rigueur peu m’importe que ma machine fasse les choses de la façon la "mieux" possible ; je veux juste qu’elle les fasse, le plus vite possible. "Vite" inclut tout ce qui me prend du temps, y compris configurer, ou le cas échéant réinstaller une machine, apprendre à me servir de nouveaux outils, etc. En d’autres termes : si on admet que apprendre à utiliser Linux est un investissement en temps de un mois (par exemple), au bout de combien de temps je l’amortis ?
 
Rémi
Le 20 septembre 2009

Oui, au final, comme il s’agit de ton outil de travail (i.e. tu ne fais pas ça sur ta machine maison où tu peux te permettre de perdre des mois si tu n’as rien de mieux à faire et si ça t’amuse), la rentabilité de l’opération est importante.

Dans ton cas, en effet, l’ordinateur n’est qu’un outil : ce qui compte, c’est que tu puisses lire tes mails, écrire tes papiers, faire tes schémas et calculer tes résultats (dans cet ordre ? ;-) ). Dans mon cas, l’ordinateur est le coeur de mon travail, puisque je développe des logiciels (même si je me sens plus géologue qu’informaticien) : il est important pour moi d’avoir un système robuste, paramétrable, avec des outils de surveillance etc. En ce sens, je suis content d’être sous Linux. Je suis aussi content d’avoir un Windows pour faire mes présentations et quelques autres trucs, mais je crois que si ma boîte décidait de passer à OpenOffice (fat chance, ne serait-ce que parce que Office est le standard de facto...), on s’y ferait très bien.

Parlant de standard, ce que font les gens avec qui tu bosses est aussi important. Si tu es le seul linuxien (dans ton labo, dans le cercle des gens avec qui tu travailles, dans les journaux avec lesquels tu collabores...), tu auras sans fin des problèmes quand tu iras regarder ce que fait un collègue (ou qu’il viendra voir ce que tu fais), les informaticiens "officiels" ne pourront sans doute rien pour toi, il faudra que tu convertisses 3 fois chaque document ou que tu t’habitues à ne pas avoir exactement la mise en page que l’auteur a voulu etc. C’est un "coût" permanent, est-il contre-balancé par des "gains" ?

Pour toi, reste évidemment l’envie de voir comment ça marche ailleurs que sous Windows et autres raisons philosophico-geekesques, mais au final, je dois dire que depuis la lecture de ton premier article, je me demande quelle est la question la plus pertinente : est-ce que tu vas rester sous Linux, ou combien de temps ? Enfin, je me trompe peut-être, hein.

 
Jeff
Le 20 septembre 2009

Ton optimisme me va droit au coeur... Mais bah, en même temps, au moins je parlerais en sachant de quoi je cause (et je pense que je garderais un dual boot quand même, ne serait-ce que en dépannage, au cas où).

L’interopérabilité est moins un souci que ce ne l’a eu été. J’ai des collègues Mac et Linux (et Windows), et l’échange de documents n’a jamais été un problème ; de nos jours les .doc .xls .ppt et .eps ou .pdf sont assez raisonnablement décrits pour être vraiment plate-forme indépendant (euh, bon, les ppt peut être pas...).

 
Jeff
Le 20 septembre 2009

Et sinon, bel exemple de prosélytisme Linuxien : je poste un message sur le forum Ubuntu pour expliquer que j’ai un problème, j’ai crée des iso avec Roxio machin et je n’arrive pas à les lire dans Ubuntu (en fait je n’arrive pas à les lire avec autre chose que Roxio chose...), est-ce qu’il y a une solution, merci ?

Les deux premières réponses que je reçois sont :

- "C’est pas la faute de Ubuntu, ça".

- "T’avais qu’à pas utiliser Roxio, la prochaine fois tu créeras tes iso avec un outil linux".

J’adooooore la façon d’être sur la défensive dès qu’on pose une question même bêtement technique — alors que en plus, j’avais formulée ma question de la façon la plus technique et neutre possible, sur le mode "est-ce qu’il y a un moyen de réparer les cochonneries de Roxio" !

 
Rémi
Le 20 septembre 2009

Eh... ça ne m’étonne pas vraiment, comme réponse, oui. Voir ce que je disais plus tôt à propos des militants... Le problème est que sur les forums, tu n’as que rarement affaire aux développeurs ou à un vrai support technique (et puis bon, c’est des forums aussi, avec la part de bavardage/bruit que ça implique).

Pour ce qui est de l’interopérabilité, c’est certes moins un problème qu’avant, mais quand même. Je ne sais pas si c’est le cas pour toi, mais chez nous certains journaux/conférences exigent les textes en .doc (oui, c’est mal mais c’est comme ça, hein) : ça veut dire obligatoirement passer par un Word avant de l’envoyer pour être certain que tout est comme il faut — ou alors accepter le risque que ton papier ait des symboles illisibles, des coupures mal placées... Bien sûr, y’a toujours les collègues, ou un dual boot, mais il n’empêche : c’est une étape de plus dans ta chaîne de travail. Ou encore, comment tu feras le jour où ta fac imposera je-ne-sais quel logiciel abscons d’identification pour accéder aux serveurs partagés ? Les informaticiens t’enverront balader quand tu viendras te plaindre, tu n’auras plus qu’à aller écumer les forums en espérant qu’il y ait une solution. Et si ils décident de passer leur serveur mail sous Outlook (enfin non, la version serveur, mais bref) ou Lotus Notes ou autre, pareil, sans compter que même si tu arrives à lire ton mail, tu ne pourras pas forcément accéder aux calendriers.

Ça n’est pas pour dire qu’il faut que tu restes sous Windows (dès fois que quelqu’un d’autre lise ça, je précise, hein), mais juste que ton environnement n’est pas anodin. De même qu’il ne te viendrait pas à l’idée de ne venir au bureau que de 18h à 9h (au lieu du contraire), parce que ça serait incompatible avec tout ce qui se passe autour de toi.

 
Jeff
Le 20 septembre 2009
Dieu merci, le service informatique de la fac de StE est plutôt linux-friendly et offre, sinon un support actif, en tout cas une compatibilité de tous leurs services... Mais sinon, good point, bien sûr.
 

Attention !

Suite à un bug que je n’arrive pas à résoudre, vous êtes peut-être arrivés sur cette page, ou d’ailleurs sur n’importe quelle page du site, avec une adresse (url) incorrecte. Si c’est le cas, il y a des choses qui marcheront mal (documents liés, commentaires...).

Les adresses correctes sont de la forme

http://jfmoyen.free.fr/spip.php ?articleXXX

Toute autre version (avec des choses en plus entre le "... free.fr/" et le "spip.php") n’est pas bonne.

Si vous n’arrivez pas à écrire un commentaire ou voir une photo, vérifiez que vous pointez bien sur la bonne adresse ; si vous faites un lien vers ce site, merci d’utiliser la version correcte de l’URL.


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