Je fus interviewé…

Le 4 mars 2009, par Jeff,

… pour un job au Canada. Je sais, ça ne date pas d’hier (c’était en 2005), mais enfin, l’expérience mérite d’être rapportée pour l’édification des Français qui persistent à croire que le concours de recrutement du CNRS est la meilleure invention depuis le pain en tranches [1]. Tom Roud, qui est en ce moment très occupé avec le même genre de choses aux USA, nous racontera peut être ses interviews récentes, je pense que son expérience est très similaire.

J’avais donc déposé ma candidature sur un poste qui semblait me correspondre asses bien, en envoyant comme toujours un CV, une liste de publi, quelques mots sur des projets de recherche et des « statement of teaching philosophy », ce genre de choses. Evidemment pas d’attestation de qualif (c’est quoi ce truc ?) ni de copie de diplômes (« l’administration vous les demandera au moment de signer le contrat »). Environ un mois avant la date de l’interview, je suis contacté par mail par Steve, le responsable du « search comittee », qui s’avèrera être un jeune « assistant professor » à peu près de mon âge (je crois qu’il a soutenu sa thèse la même année que moi, peut être même après), qui me signale que le Département voudrait pouvoir me rencontrer, et me demande si je pourrais m’arranger pour être là à telle et telle date. Naturellement, mes billets d’avion seront aux frais du département, dès que j’aurais fait mes réservations il me faut les transmettre à leur secrétaire pour organiser le paiement.

A ce stade, on peut préciser que j’étais alors, comme maintenant, à Stellenbosch. L’université en question est à Sudbury, dans le Nord de l’Ontario (700 km au Nord de Toronto). Tant qu’à traverser la moitié du monde… je demande si ça les dérange que je prenne un billet quelques jours plus tôt, et que je reparte quelque jour plus tard, afin d’aller voir différents collègues à plusieurs endroits du Canada – les vols intérieurs seront à mes frais bien sûr : pas de problèmes, faites donc. En fait grâce à un excellent agent de voyage, je n’aurais même pas à payer de vols intérieurs, elle s’est arrangée pour tout faire avec des « stop-overs »… Me voilà donc en possession d’un billet d’avion Cape Town – Heathrow – Ottawa – Sudbury – Toronto – Saint Johns – Heathrow – Cape Town (ouf).

Une fois que tout ça est organisé, Steve me fait passer l’emploi du temps de ma visite. C’est très rempli, il y a une table excel très détaillée (je ne crois pas l’avoir gardé, c’est dommage) qui explique minute par minute ce que je vais faire et avec qui, des petits déjeuners avec untel ou tel autre, aux rencontres formelles avec le « dean », aux différents séminaires que je vais faire. On me demande aussi de faire deux séminaires – un destiné à des étudiants, « senior undergraduate to post-graduate », et un de niveau recherche [2].

Le jour dit, me voilà parti ; je passe sur les détails concrets (30 heures de voyage dont une journée de correspondance à Heathrow, 7 heures de décalage horaire [3], passer de +30 à -10 au mois de Février entre Cape Town et Ottawa et entendre les collègues canadiens se plaindre de ce temps « anormalement doux pour la saison »…). Je finis par arriver à Sudbury, un peu groggy, Samedi en milieu d’après midi. Un des professeurs est venu me chercher à l’aéroport ; il est gentil et prévenant, plein d’attentions, me montre la ville en passant et en vante ses mérites et sa qualité de vie [4]. Il m’installe à l’hôtel (aux frais du labo, faut-il le préciser ?), et me laisse me reposer, en promettant de venir me chercher pour le dîner, dans un restaurant très honorable [5].

Le lendemain Dimanche est consacré à la visite des environs. Le même professeur vient me chercher ; il m’emmène prendre le petit déjeuner chez lui (miam les croissants maison !), puis se met à ma disposition pour le reste de la journée pour m’emmener voir les environs : la ville, les centres commerciaux, un peu de tourisme et de géologie dans les alentours… Le soir, nous dînons encore chez lui [6], avec un autre professeur du département qui ne pourra pas être présent les jours suivants, mais tenait à me rencontrer.

Lundi matin, Steve vient me chercher à mon hôtel. Il me prend en charge pour une journée très remplie ; je ne me souviens plus des détails, mais pêle-mêle j’ai eu droit à une visite guidée du laboratoire par le « head of department » ; au séminaire « étudiants », suivi d’un « pizza lunch » avec les étudiants et qui voulait, dans la salle de séminaire ; à une rencontre avec les deux doyens (recherche et enseignement) ; à des rencontres individuelles avec chaque membre du département, à chaque fois une demie heure en tête à tête passer à discuter dans le bureau. Des fois c’était relativement formel, avec des questions d’entretien de recrutement (« et pourquoi vous voulez venir ici ? » « et qu’est-ce que vous feriez en recherche ? » etc.). D’autres fois c’était plus amical et détendu, bavardage à bâtons rompus sur des questions géologiques ou académiques. Une autre fois je sus tombé sur un collègue avec qui j’avais longuement discuté à une conférence trois ans avant, mais dont j’avais depuis oublié le nom – nous avons repris notre discussion (scientifique) là où elle en était restée.

Le soir, j’ai droit à une heure de repos à mon hôtel [7] avant de ressortir pour aller au restaurant avec 3 ou 4 des chercheurs du labo, pour une soirée agréable à discuter amicalement.

Et le mardi, on remet ça. Au petit déjeuner, c’est le chef du département qui passe me prendre pour avoir le temps de discuter de façon informelle autour du café ; on repart à la fac où je continue à enchaîner des rencontres chez les uns ou les autres, un second séminaire, un repas sur le pouce pris avec encore d’autres personnes … Au milieu de tout ça, il y a quand même une demie-heure de rencontre « officielle » avec le « search comittee », c’est-à-dire trois personnes (Steve, une personne que j’ai oubliée, et le collègue jadis rencontré), avec qui on aborde les questions un peu plus officielles et formelles, incluant d’ailleurs la discussion sur le salaire et ce genre d’aspects. Mardi soir, re-restaurant avec d’autres personnes, avant de pouvoir rentrer à l’hôtel et se poser (ouf).

Mercredi matin enfin, on vient me chercher pour m’emmener à l’aéroport, ou je reprends un avion dans la matinée pour la suite de mes pérégrinations – un peu groggy. Retour à la maison en fin de semaine, re-décalage horaire, re-choc thermique….

Quelques semaines plus tard, je reçois un nouveau mail de Sudbury, m’expliquant que le département n’arrive pas à décider entre les candidats qu’ils ont rencontré, et qu’ils voudraient que je réponde à quelques questions supplémentaires par mail. Ce que je fais, bien sûr – un mail de deux pages quand même, les « quelques » questions étant 5 ou 6, et pas des plus faciles, manifestement elles cherchent à cerner les points sur lesquels je n’ai pas convaincu lors de ma visite ou qui laissent des zones d’ombre (« et vous pensez que vous pourrez vous plaire à Sudbury ? » – euh franchement, comment dire… « et vous êtes sûrs de venir, ou vous allez vouloir chercher un job en France ? » – hem.).

Et puis, plus de nouvelles pendant un moment, jusqu’à finalement un mail qui m’annonce, assez tard d’ailleurs, que le job a été proposé à quelqu’un d’autre, et a été accepté. Je m’en doutais un peu pour tout dire. Apparemment, aucun des candidats interviewés au premier tour (moi compris) n’a convaincu, et le département a donc décidé de faire un second round d’interviews pou trouver la personne idéale. Incidemment, je n’ai jamais su qui étaient les autres candidats sur ce poste, même par la bande ou de façon officieuse.

Au final, je n’ai pas été surpris qu’on ne me propose pas le job [8]. Je ne suis pas sûr que je l’aurais accepté, d’ailleurs, parce que si le labo et l’équipe me plaisaient bien, je crois que je n’aurais pas amé vivre à Sudbury. Ce qui a bien du se sentir lors de mon interview. Autrement dit, les deux parties se sont rencontrées, et ont décidé plus ou moins d’un accord mutuel de ne pas travailler ensemble ; on se sépare sans drame et sans ressentiment, je suis pour ma part très heureux d’avoir rencontré des personnes intéressantes à Sudbury, et j’ai plaisir à les recroiser et à discuter avec elles dans les congrès.

La même année au mois de Mai, je passais les oraux du CNRS… C’est cette année-là, je crois, que j’ai décidé que c’était la dernière fois que je jouais à ce jeu-là, et que j’allais plutôt chercher un job dans un pays civilisé en attendant que la France finisse de découvrir la roue.

Post-Scriptum :

Ah, victoire, j’ai retrouvé (en cherchant autre chose...) le tableau excel du planning de cette visite ! Il est joint à cet article.

Notes :

[1] « The best thing since sliced bread ». L’expression ne marche pas aussi bien en Français…

[2] Comme j’en rajoute un à Ottawa et un à Saint Johns, ça m’en fera donc 4 en une semaine. Une sorte de record.

[3] Ah, arriver à 21h à Ottawa, soit 4h du matin de ma deuxième nuit de voyage pour moi, pour être accueilli par le collègue qui me dit « on va prendre une bière ? » …

[4] Je dois admettre que je ne serais guère sensible aux charmes de Sudbury. Surtout en plein hiver, mais j’y suis depuis retourné en été, sans être tellement plus impressionné. Au final, la perspective de devoir vivre à Sudbury m’a pas mal refroidie, sans jeu de mots, et mon enthousiasme lors des entretiens des jours suivants s’en est un peu ressenti…

[5] En trois jours, j’aurais probablement vu tout les restaurants de Sudbury. Ils sont bons, d’ailleurs, même si il n’y en a que trois ou quatre…

[6] et j’ai pour la première fois mangé du mouton avec de la sauce à la menthe !

[7] Façon de parler, j’ai surtout bossé sur mon séminaire du lendemain !

[8] Notez la formulation : c’est l’université qui propose un job, et le candidat qui l’accepte ou pas. Ce n’est pas les candidats qui sont classés par l’université…

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Documents joints à l'article

Planning des trois jours d’interview
Excel | 22.5 ko | document publié le 24 septembre 2009
 

Commentaires de l'article

 
Romain
Le 4 mars 2009

[6] et j’ai pour la première fois mangé du mouton avec de la sauce à la menthe !

Et alors, c’est bon ?

 
Jeff
Le 4 mars 2009

Plus rapide que son ombre, le Romain...

En fait oui, c’est pas mauvais. Comme pas mal de choses : ce qui est mauvais c’est la version cantine ou mauvais restaurant. Quand c’est de la cuisine familiale, c’est généralement bon (même si le goût peut être inhabituel...)

 

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