Thèmes de recherche

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Le 28 août 2006, par Jeff,

L’Archéen est la période de l’histoire de la Terre qui s’étend entre 4.0 et 2.5 Ga ; c’est la première période pour laquelle nous disposons de témoins géologiques directs. C’est une période charnière de l’histoire de la Terre, durant laquelle la Terre a évolué depuis une Terre primitive, immédiatement après son accrétion initiale, vers une planète analogue à la Terre actuelle. C’est aussi la période où la vie a fait son apparition sur Terre ; il est donc important de comprendre les conditions géologiques qui existaient à ce moment sur notre planète.

La tectonique des plaques est un trait dominant de la géologie actuelle de la Terre. Toutefois, son existence à l’Archéen est discutée ; en témoigne, par exemple deux articles récents aux titres provocateurs, l’un par M. De Wit : "On Archaean granites, greenstones, cratons and tectonics : does the evidence demand a verdict ?"(Precamb.Res. 91:181-226, 1998) et l’autre par W. Hamilton : "Archaean magmatism and deformation were not the product of plate tectonics "(Precamb. Res. 91:143-179, 1998). Dans l’hypothèse d’une forme de tectonique des plaques durant l’Archéen, ses modalités restent peu connues : s’agissait-il de processus semblables à ceux de la Terre actuelle, ou étaient ils très différents ?

L’existence de la subduction des plaques lithosphériques, phénomène majeur de la tectonique des plaques actuelle, , est particulièrement discutée, et n’est pas démontrée de façon définitive, en tout cas pour les périodes antérieures à 2.7 Ga. Les subductions, dans la Terre moderne, se caractérisent par une tectonique convergente (chevauchements) ; du magmatisme "d’arc" (calco-alcalin) ; et des gradients géothermiques de haute pression et basse température. Si certaines structures Archéennes peuvent être interprétées comme analogues de ces éléments, il n’existe pas ou peu de preuve absolue de l’existence de subduction Archéennes.

De nombreuses incertitudes demeurent quant au style géodynamique Archéen. Il semble de plus très probable que cette période soit très hétérogène, et marquée par une évolution des processus géologiques, qui deviennent progressivement de plus en plus proches de ceux connus dans la géologie moderne. Mais les modalités comme la chronologie de cette évolution restent mal compris.

L’Archéen est aussi une période où se forme une grande partie de la croûte continentale ; on considère qu’ à la fin de l’Archéen 80 % de la masse des continents actuels existait déjà. Cette importante accrétion juvénile est également un trait dominant de l’époque Archéenne, qui la différencie nettement de l’époque actuelle.

De plus la composition chimique des magmas juvéniles archéens est très différente de celle des magmas juvéniles modernes (par exemple Martin, 1986, Geology 14:753-756). Les magmas juvéniles archéens appartiennent à une série sodique, dite TTG (tonalite-trondhjemite-granodiorite ), alors que les magmas actuels sont surtout relativement potassiques appartenant à la série calco-alcaline "normale", ). Les TTG sont formées par fusion partielle d’une amphibolite à grenat ; un contexte plausible pour leur formation pourrait être celui d’une zone de subduction plus chaude que celles qui existent à l’heure actuelle, si bien que la croûte subductée peut fondre (au lieu de se déshydrater, et de libérer des fluides métasomatisant le manteau, comme c’est le cas dans les subductions actuelles).

Cette hypothèse n’est, cependant, pas la seule. Il est aussi envisageable que localement, un fragment crustal (continental ou océanique) soit suffisamment épaissi pour que sa base se trouve dans le champ de stabilité du grenat et que, dès lors, sa fusion permette la genèse de magmas TTG. Dans ce cas, il n’y aurait pas besoin de subduction pour former les TTG archéennes -et l’apparition de la tectonique des plaques serait à repousser plus tard.

On voit donc que la question de la genèse de la croûte continentale est indissolublement liée à celle des styles tectoniques archéens.

Sur le terrain, plus de la moitié de la croûte Archéenne est composée de "gneiss gris", des orthogneiss globalement à affinité TTG. On trouve aussi fréquemment des massifs tardifs de granitoïdes potassiques, formant des plutons nettement sécants, et généralement supposés être les produits de la fusion partielle des TTG.

A coté de ces deux composants, il apparaît de plus en plus clairement que d’autres composants existent, et que d’autres sources ont été impliquées dans la formation des roches plutoniques Archéennes (gneiss gris comme granites potassiques tardifs). Les données les plus récentes laissent penser qu’au moins deux composants ont pu jouer un rôle significatif : (1) le manteau sous-continental ; (2) des fluides issus de la plaque plongeante.

Les modalités précises de l’extraction de la croûte continentale durant l’Archéen restent donc largement débattues.Ni les sources, ni les processus pétrologiques ne sont parfaitement compris. Quant au site géodynamique de cette croissance crustale, il reste, comme cela a été écrit plus haut, pour le moins ambigu : s’agissait-il de "subductions chaudes" ? Ou plutôt, comme cela est parfois proposé, de contextes intra-plaque où la base d’une croûte épaissie fond ?

Mes thématiques de recherche s’orientent donc autour des deux questions développées ci-dessus, qui peuvent être résumées comme suit :

  • Depuis quand la tectonique des plaques a-t-elle débutée ? Comment est-elle apparue sur Terre, et quels processus géodynamiques opéraient avant son apparition ?
  • Quels sont les processus mis en jeu lors de la formation des continents ? En lien avec la question précédente, quel était le contexte géodynamique de l’accrétion continentale précoce ?

C’est principalement sous l’angle de la formation des magmas que j’aborde ces questions, en cherchant à comprendre comment les roches plutoniques témoignent des conditions existantes durant leur formation et leur mise en place.

Mon approche de ces problèmes est une étude pluri-disciplinaire et intégrée de terrains de la croûte moyenne ou inférieure ( > 10-15 km). C’est le domaine des roches métamorphiques et de la fusion partielle, où les conditions de pression et température subies par la roche sont enregistrées dans les assemblages minéralogiques, ou dans la composition des magmas formés. Ce sont aussi des domaines où la signature initiale des magmas juvéniles peut être assez bien préservée du fait d’interactions avec l’encaissant crustal assez limitées, ce qui permet de discuter de leur origine.

Trois grandes familles d’observations peuvent être faites :

  • Des observations structurales, dans le but de décrire le champ de déformation et de discuter alors du contexte tectonique ;
  • Des observations sur les textures métamorphiques, la composition des minéraux et les réactions minérales, permettant de reconstituer les conditions P-T de formation de ces assemblages et, dans les cas favorables, le trajet dans l’espace P-T suivi par les roches ;
  • Des observations sur la géochimie (majeurs, traces ou isotopes) des roches magmatiques, permettant d’en discuter l’origine et l’évolution.

C’est la combinaison de ces différentes approches qui permet de proposer un modèle d’évolution thermo-mécanique du secteur d’étude ; ce modèle peut, à son tour être discuté en termes de contexte géodynamique.

Je pense que seule une étude prenant en compte le plus grand nombre possible d’informations permet de contraindre au mieux les processus opérant dans ces horizons de la lithosphère. La spécificité de mon approche scientifique est donc l’utilisation de méthodes assez diverses, et leur intégration dans un modèle aussi global que possible. Pour parvenir à l’acquisition de ces données, j’utilise régulièrement des outils et des méthodes relevant de différentes disciplines :

  • Cartographie
    • Cartographie de terrain, dans les domaines de croûte moyenne ou inférieure (terrains métamorphiques, granitiques ou migmatitiques) ;
    • Systèmes d’information géographique (logiciels comme MapInfo, ArcView) ;
    • Modèles Numériques de Terrain, images satellites ;
    • Google Earth.
  • Géologie structurale
    • Mesures de terrain et interprétation des fabriques des roches, en particulier des roches partiellement fondues (migmatites)
    • Interprétation des structures résultant de l’interaction magma/déformation ;
    • Quantification de fabrique par anisotropie de susceptibilité magnétique.
  • Pétrologie métamorphique
    • Pétrologie optique ;
    • Étude des roches et analyses de minéraux au microscope optique et électronique à balayage (MEB) ;
    • Interprétation en terme de conditions pression-température (à l’aide de programmes comme PERPLE_X ou Thermocalc.
  • Géochimie magmatique
    • Géochimie isotopique des éléments stables et radiogéniques (séparation sur colonne, spectrométrie de masse) ;
    • Analyse in-situ des éléments en traces (ICP-MS à ablation laser) ;
    • Modélisation numérique du comportement des éléments en traces.
  • Pétrologie expérimentale
    • Expériences en piston-cylindre et autoclaves à pression de gaz ;
    • Étude des produits au MEB.
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