Le 5 octobre 2007, par Jeff,
Pour inaugurer cette série, commençons par causer un peu des diplômes et de la structure des cursus. Ici comme dans le reste du monde (anglophone), le fonctionnement est en modules indépendants, que les étudiants choisissent pour se construire leur parcours à leur sauce. En fait, les choses ne sont pas aussi libres et fluides que ça ; il y a un système de « pré-requis » qui fait que finalement, la plupart des gens se retrouvent à faire les mêmes choses.
En Afrique du sud, les diférents diplômes offerts sont les suivants :
Bachelor degree (Bachelor of Sciences, BSc ; Bachelor of Arts, BA) : 3 ans (4, dans certains cas particuliers, comme études à temps partiel, etc.). Ces trois premières années sont les études “undergraduate”
“Honours” (4e année) ; confère le diplôme de « BSc(hons) ». Une année un peu de transition, assez similaires aux anciens DEA français : partiellement cours, partiellement projet de recherche. L’entrée en « Honours » nécessite en général un niveau minimum (de 60 ou 65 % [1] ). C’est le niveau que la plupart des étudiants ont quand ils quittent l’université pour trouver du travail à l’extérieur.
Master degree (Master of Sciences, MSc ; Master of Philosophy, MPhil) : 2 ans, donc 5e et 6e année normalement. Les MSc sont en général uniquement un travail de recherche de deux ans ; les MPhil sont plus souvent un mélange de cours et de projet personnels.
Doctorat (PhD, Doctorat en Philosophie [2]). Comme en France, 3 ans de recherche.
Pour autant que je sache, les autres pays du Commonwealth (Australie, Nouvelle-Zélande, voire Canada…) fonctionnent pareil ; les Etats-Unis ont un système très voisin (Etudes « undergraduate » de 4 ans conduisant à un BSc, Master de deux ans, Doctorat de 3 ou plus – la première année de doctorat comporte pas mal de cours).
Pour être admis à s’inscrire dans un cursus universitaire, il faut avoir obtenu son « matriculation » (l’équivalent du bac) ; et il faut en général avoir suivi certains sujets [3] et obtenu une note minimum [4]. Pour s’inscrire en géologie, par exemple, il faut avoir choisi mathématique et physique comme sujet, et avoir obtenu au minimum D à l’examen si c’était des « majeurs », B si c’était des « mineurs ».
Les cours sont offerts sous la forme de modules ; chaque département présente sa liste de module, et les étudiants construisent leur cursus en piochant là-dedans et en s’inscrivant aux modules qu’ils veulent (en fait c’est un peu plus rigide que ça, voir plus loin). Chaque module rapporte un certain nombre de crédits, qui sont transférables dans une autre université (bien qu’on considère en général que ce n’est pas très raisonnable de découper ses études « undergrad » entre plusieurs universités).
Chaque département offre ses propres modules ; si un étudiant a besoin de cours dans une autre discipline, il les suivra donc dans un autre département. Nos étudiants géologues, par exemple, suivent donc des cours de chimie dans le département de chimie. De même, nous offrons des « service course » (c’est le terme consacré) pour les étudiants des autres département (ingénierie surtout en l’occurence) qui auraient besoin, ou voudraient, compléter leur cursus avec de la géologie.
A Stellenbosch, les modules durent pour la plupart un semestre, en principe 14 semaines. Chaque semaine, il y a trois cours (« lectures ») d’une heure, et un TP (« practical », ou « prac ») de 3 heures. Les horaires sont fixés pour l’année, et même d’une année sur l’autre ; il y a 6 créneaux différents dans la semaine (chaque créneau ayant ses horaires de « lecture » et de « prac »), et chaque module occupe un créneau. De cette façon, les étudiants savent qu’ils ne peuvent suivre deux modules que s’ils n’occupent pas le même créneau !
Le contenu et l’organisation des modules varient. Le cas le plus simple est celui où un enseignant assure son module tout seul (c’est le cas « de base », sinon le cas général). Il arrive qu’un module soit partagé entre plusieurs enseignants. Il est relativement fréquent qu’une partie des cours formels soient remplacés par des travaux personnels (« assignments ») ; et/ou que l’enseignant se fasse aider, ou fasse assurer ses « prac » par des « demonstrators » (« demers », on dit « TA – teacher assistant » dans d’autres lieux). Ce sont en général des étudiants en Master ou en Doctorat, mais il arrive que des Honours voire des 3ème années « dement » pour les 1eres années (c’est considéré comme un peu abusif). Les situations sont donc très diverses, mais en dernière analyse c’est le « titulaire » du module qui est responsable de tout ça et qui s’arrange pour que ça marche.
Chaque module a un nom, et un numéro. Mon cours de pétrologie s’appelle, par exemple, « Geology 314 – Advanced igneous petrology ». Le numéro se décortique de la façon suivante :
Le premier chiffre indique l’année ;
Le second chiffre correspond au semestre (1 à 3 pour des cours de premier semestre, 4 à 6 au second semestre, 7 et 8 pour des cours qui durent toute l’année) ;
Le troisième chiffre indique le nombre de crédits ; 4 pour un cours d’un semestre normal, 2 pour un « demi cours », 8 pour un « double cours ».
La plupart des universités anglophones utilisent une nomenclature de ce genre (parfois à 4 chiffres au lieu de 3) ; d’où les classiques plaisanteries sur « XXX 101 », 101 désignant en général le premier cours qu’on suit la première année – c’est donc un cours à un niveau très basique. [5]
En général, le numéro est épelé et non pas lu comme un chiffre (on dit « Geology three-one-four »).
Pour donner un exemple, notre département offre les modules suivants :
En première année : GEOM 114—Introduction to Earth Sciences ; GEOM 144—Earth materials (ce sont des GEOM, pour « géologie et environnement » [6] parce qu’ils sont communs avec les géographes. On a donc dans ces cours à la fois des étudiants préparant un BSc géologie, et un BA géographie.
En deuxième année : OGC214—Introduction to environmental geochemistry ; GEOL244 – Physical Earth Sciences and Structural Geology ; GEOL278 - Mineralogy and Gemmology
En troisième année : GEOL314 – Advanced Igneous Petrology and Isotope applications ; GEOL324 – Sedimentology and Stratigraphy ; OGC314 - Environmental Geochemistry ; GEOL344 – Element movement, Exploration geology- geophysics and geochemistry ; GEOL354 – Metamorphic Petrology and Tectonics.
On laisse au lecteur, à titre d’exercice, le soin de décortiquer les numéros en question.
En plus de ces cours, nous offrons des cours de « service » pour les ingénieurs : GEOL214(Eng), et un cours de Honours (GEOL778), que nous nous répartissons à raison de deux ou trois semaines chacun. Pour cette dizaine de module, nous sommes 8 enseignants (chacun est donc responsable d’un module, exceptionnellement de deux, plus des petits bouts de cours en honours).
Les étudiants ne peuvent, en fait, pas choisir complètement librement leurs modules ; deux mécanismes contribuent à créer des cursus relativement uniformes :
Au total, le nombre de modules obligatoires est de 6 semestres (et des petits bouts) en première année, 4 et quelques en deuxième, 4 et quelques en troisième. Ce qui laisse la place pour 2, 4 et 4 modules au choix dans les trois années. Les étudiants sont assez libres de leurs choix ; en général ça tombe sur math ou physique en première année, biologie, géographie ou chimie en deuxième et troisième – en n’oubliant pas que les modules des autres départements, biologie par exemple, vont eux-même avoir des pré-requis qui font que les étudiants ne pourront s’y inscrire que si ils ont suivi les cous précédents.
L’aspect intéressant du système, et très différent de ce qui se passe en France, est que les cours sont offerts sous la forme de modules ; dans un module donné, on peut avoir des étudiants de plusieurs origines différentes, préparant plusieurs diplômes. Les cours de chimie de première année sont par exemple suivis par les chimistes, les biologistes et les géologues – mais dans tout les cas il s’agit du même module, organisé et délivré par le département de chimie et lui seul.
[1] On note de 0 à 100%. En général, moins de 40% est un échec grave, qui n’offre pas de rattrapage ; entre 40 et 50%, il y a des possibilités de rattrapage, seconde session, etc. Au dessus de 75%, c’est une « distinction ». Comme souvent, les gens n’utilisent pas toute l’échelle des notes, dans les faits on utilise de 35 à 80 %, au grand maximum …
[2] C’est un vestige de l’époque où les universités médievales avaient 4 facultés, théologie, droit, médecine et philosophie. Il y a donc en plus des PhD, des MD, et probablement des doctorats en droit et en théologie mais je connais moins la question !
[3] au niveau « high school », lycée, les élèves peuvent choisir quels sujets ils veulent suivre, en tant que « majeur » ou « mineur »
[4] De A à F
[5] Stellenbosch n’a d’ailleurs pas de cours numéroté 101…Nos cours de base seraient plutôt des 114 !
[6] c’est de l’Afrikaans