Le 5 novembre 2009, par Jeff,
Un mois. C’est le temps qu’il nous reste à passer en Afrique du Sud.
Un mois pour préparer le voyage, trier la maison, emballer ce que nous emportons et donner, vendre ou jeter le reste ; mais ce n’est pas le plus dur.
Un mois pour nous débarrasser des petits riens qui font une vie quotidienne, pour nous dépouiller progressivement de notre environnement. De notre maison et de notre voiture, de nos meubles (enfin, de certains) et de notre chat, des plantes du jardin et des dessins au mur. Un mois de délestage progressif, qui culminera quand finalement nous arriverons à l’aéroport, 20 kg de bagages par personne [1].
Un mois pour quitter cette ville où nous avons passé 6 ans, presque jour pour jour. Une ville qui est devenue la notre ; celle où notre fils est né et où nos enfants ont appris à marcher, à parler et à lire ; la ville où nous sommes devenu une famille et plus simplement un couple avec un bébé.
Un mois pour quitter nos amis, ceux avec qui nous passons presque tous les week-ends, ceux dont les enfants ont grandi avec les nôtres. Et même si on se quittera en se promettant de s’écrire et de se revoir, on sait tous ce qui se passera quand nous serons séparés de 10 000 km.
Un mois pour conclure 6 ans de vie professionnelle. Pour quitter des départements, des collègues, des activités professionnelles où nous nous sommes épanouis. Sans savoir vers quoi nous allons, sans savoir si nous arriverons à faire des choses aussi intéressantes.
Un mois pour profiter encore un peu, jusqu’à la fin, du soleil d’un début d’été dans le Western Cape. Des montagnes roses au crépuscule. Des fermes dans les vignes. Des maisons blanches sous les chênes de Stellenbosch. Des pelouses à l’ombre sur la « place rouge » du campus de l’Université. Un mois pour voir encore les larges vues sur False Bay et les rochers du Cedarberg, et les collines des « Winelands », et les terrasses à l’ombre, et les après-midi au bord de la piscine, un mois pour se dire à chaque fois que c’est la dernière.
Un mois pour vivre encore un peu avec et parmi les Sud-Africains, irritants et attachants. Courageux, souriants, accueillants, combien vont-ils nous manquer, tous tant qu’ils sont…
Un mois pour oublier que ce que nous sommes pour encore quelques semaines, bilingues et biculturels, tout à la fois Français et sud-Africains ; pour se dire que c’est fini, que cette moitié de nous-mêmes va mourir et disparaître.
Dans un mois, pour la dernière fois nous prendrons la route de l’aéroport. Pour la dernière fois nous pesterons contre les travaux, les aménagements pour cette Coupe du Monde que nous ne verrons pas, finalement. Pour la dernière fois je passerais l’enregistrement, et la police, et la sale d’embarquement, comme je l’ai fait si souvent. Pour la dernière fois je m’assiérais dans l’avion, puis il s’éloignera du bâtiment, avant de rouler, de s’arracher à la terre du Cap, de tourner au dessus des montagnes, de monter au dessus de Stellenbosch, et il ne restera plus rien, que des souvenirs.
Et alors, je pleurerais.
[1] Heureusement, nous déménageons pas mal de choses, même si c’est cher ; ça aide, un peu